Le début de la crise : premiers signes à repérer
Par Dr Magali Bourrel Bouttaz — dermatologue, membre du GET (groupe d’éducation thérapeutique dans l’eczéma). À propos
3 critères très précis définissent le début de la crise : dès que c'est rouge, ou dès que ça démange, ou dès que c'est rugueux.
Le rouge est très souvent dans les plis et et le rugueux très souvent dans les zones convexes (cuisses, ventre, bras... )
Sommaire de la page : le début d'une crise d'eczéma :
- La crise : c'est quand ? c'est où?
- Quels sont les risques de ne pas reconnaitre le début d'une crise d'eczéma?
- Savoir reconnaitre le début de la crise permet de savoir reconnaitre sa fin.
- Une histoire vraie pour illustrer.
Eczéma sec ou peau sèche?
1. Savoir reconnaitre le début de la crise
Pour vous les patients, la crise c'est
C'est où ? : là où c'est rouge vif, avec des plaies de grattage, là où ça colle, ça saigne
C'est quand ? : quand c'est pire que la veille, vous ne pouvez plus rien faire, vous n'avez pas dormi, il y a du sang dans le lit ...
Quand vous évaluez l'intensité de votre prurit (démangeaisons) entre 0 et 10 (0 = aucune démangeaison, 10 = proche du suicide...) votre quotidien est à 3 et vous définissez votre crise à 8. 3 , c'est déjà une crise. Passez aussi par les scores pour conscientiser la gravité de votre situation. Ces scores tiennent compte aussi de l'impact de votre eczéma dans votre vraie vie.
Pour le médecin, c'est 3 critères : rouge, démange, rugueux
C'est où? : là où c'est rouge, ou ça démange, ou c'est rugueux
C'est quand? dès que : c'est rouge ou démange ou devient rugueux.
Le petit feu, sur l'échelle de grattage, c'est 0,5.
Un seul des trois critères définit le début de la crise et suffit à sortir le tube de dermocorticoide pour éteindre l'incendie, traiter l'inflammation, faire partir l'eczéma.
Crise, poussée, eczéma : c'est pareil ou pas ?
C'est là un piège du vocabulaire. Vous êtes nombreux à dire que la poussée, la crise ou l'eczéma, ce n'est pas pareil. Pour nous, c'est pareil ! c'est de l'inflammation dans la peau. Une plaque qui commence à être râpeuse sous la main, une zone qui commence à démanger, une plaque à peine rouge, c'est le feu de l'inflammation qui s'active, c'est l'image du mégot de cigarette dans votre panière à papier. Il faut l'éteindre tout de suite, et complètement !
Voilà pourquoi l'ordonnance classique ne marche pas
En cas de crise : diprosone pommade une fois par jour ,7 jours, puis stop. la crise ? c'est où ? c'est quand ?? la diprosone : pourquoi 7 jours,. pourquoi je l'arrête d'un coup...Tout cela n'a aucun sens . Il est donc important d'établir ensemble les bons critères qui permettent d'agir au bon moment, avec les bons gestes et les bonnes quantités. Vous avez besoin d'une bonne ordonnance
2. Quels sont les risques de ne pas savoir reconnaitre le début de la crise?
Risque n°1 : attendre que ça passe tout seul
Un mégot de cigarette fume dans votre panière à papier : vous attendez de savoir s'il va s'éteindre tout seul ? Même réflexion pour l'inflammation de votre peau.
Risque n°2 : avoir tendance à mettre deux fois plus de crème hydratante
Mettre deux fois plus de crème hydratante quand la crise apparait est une grosse erreur. Cette attitude non seulement n'est pas adaptée mais en plus elle est contre productive. La crème hydratante ne sert pas à traiter l'inflammation, elle sert à traiter l'origine de l'eczéma, le ciment défectueux. La crème hydratante pique quand elle est appliquée seule sur la plaque d'eczéma. L'enfant va associer le gros flacon avec de la douleur et refusera d'en remettre ... gros tube = ça fait mal = je n'en veux plus. Bonjour, pour continuer à l'hydrater sans conflit !
Risque n°3 : commencer trop tard l'application du dermocorticoïde
Commencer l'application de la cortisone trop tard. Il s'agit là d'une erreur très fréquente. Le feu de poubelles est devenu un incendie jusqu'au plafond...Des patients découvrent alors qu'ils sont en crise depuis 10 ans. Des enfants ne se sont jamais connus avec une peau normale. Comment leur faire croire ou espérer qu'un jour, ils pourront vivre comme les autres Des mamans qui culpabilisent encore plus quand justement leur enfant finit par avoir une peau normale...Quel temps perdu ! Le traitement sera beaucoup plus long
Risque n°4 : se décourager et ne plus y croire
Ne pas savoir reconnaitre le début de la crise s'associe bien souvent à ne pas savoir se servir correctement du dermocorticoïde et donc ne pas savoir faire partir à 100 % l'eczéma. Dès lors le traitement vous parait inefficace et vous n'y croyez plus. Ne plus traiter vous expose à toutes les complications de l'eczéma.
3. Reconnaitre le début de la crise permet de :
Moins souffrir
Si votre quotidien de souffrance se situe à 3 sur une échelle de O à 10, et que vous ne commencez à traiter qu'arrivé à 8, alors vous vivez l'enfer.
Si votre quotidien est à 0 et que vous traitez votre crise dès que vous passez à 1, alors votre quotidien sera léger.
Savoir quand arrêter
Vous arrêterez l'application de la cortisone quand les 3 critères auront disparu et que la peau sera redevenue lisse et belle comme celle d'un bébé ... ni rouge, ni démange, ni rugueuse, même si l'inflammation laisse place de temps en temps à des taches blanches. Aucune raison de laisser des braises encore fumantes? Le pompier arrête d'arroser quand tout est éteint à 100%.
4. Une histoire vraie pour illustrer
Une maman arrive pour son bébé de 9 mois, qui souffre de démangeaisons intenses depuis qu'il a 1 mois. Le sommeil est mauvais.
- Le traitement ne marche pas
- Madame, que faites-vous comme traitement ?
- Je le lave deux fois par semaine avec l'huile lavante X et je l'hydrate deux fois par jour avec le baume Y
Son bébé a une peau très abimée par les coups d'ongles, les stries de grattage qui saignent, la peau est très rugueuse, mais .... la peau n'est pas rouge, elle est grise. Comme ce n'était pas rouge, la maman n'a pas utilisé la cortisone pourtant prescrite ... mais sans explications! Dès que le traitement fut complété :
- application du dermocorticoide selon la règle de l'unité phalangette, jusqu'à récupération d'une peau de bébé
- ajout de pro biotiques pour le microbiote intestinal
La cortisone put être arrêtée sans récidive, jusqu'à ce que le bébé rencontre un autre facteur déclenchant, ce qui à son âge correspond souvent aux poussées dentaires. Voir le dossier complet sur la page : la dermatite atopique du bébé