Par Dr Magali Bourrel Bouttaz — dermatologue, membre du GET (groupe d’éducation thérapeutique dans l’eczéma). À propos
L'eczéma de l'enfant :
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Comme t'es moche, On dirait un singe, Je ne joue pas avec toi, t'es pas belle, Normale que tu sois moche, t'as plein de boutons, Maman m'a dit de ne pas te donner la main
L'enfant a déjà subi chez lui les injonctions " arrête de te gratter " et l'épuisement d'une famille autour des soins, quand l'eczéma ne sert pas d'enjeu de conflit au sein même des générations ou des couples séparés...mais l'école peut-être le lieu d'une grande cruauté. Il n'est pas rare que l'enfant se confie au moment où ses parents ont quitté la consultation... isolement, rejet, pleurs... Comment pénétrer ce milieu en tant que dermatologue et non en tant que parent ? Comment remonter à la source et faire de la prévention de la discrimination de l'eczéma à l'école?
Après les attentats du Bataclan, un appel à la réserve citoyenne fut lancé par l'éducation nationale. Tout volontaire pouvait s’inscrire et proposer ses services. Service voulant dire arriver à articuler les idées fortes de la République à travers les spécificités de son métier. J’avais donc proposé de parler des discriminations que subissent les enfants atopiques.
Je fus contactée par une école primaire de Maurienne, proposant des activités le vendredi après midi sous forme d'ateliers, permettant à des enfants d’âge différents du CP au CM2 d'être ensemble. La directrice était intéressée par l'idée de faire une sensibilisation à l'eczéma de l'enfant. Je lui ai bien sûr présenté l'atelier en amont et au moment de l'atelier, j'étais accompagnée d'une maman. L'atelier durait 45 mn et j'ai pu le réaliser 3 fois dans l'après midi.
Présentation : les enfants se présentaient par leur prénom, et l'animal qu'ils aimeraient être. De mon côté, je présentai rapidement mon métier.
L'idée était de découvrir la place de la peau dans notre vie : le toucher de l'environnement ( c'est chaud, c'est froid ), la perception de l'autre ( la façon dont il me touche me dit s'il me veut du bien ou pas ) et l'écoute de son propre corps.
En pratique, voilà ce qui s'est passé :
L'idée suivante était de faire comprendre que cette peau pouvait poser problème et déclencher du grattage, des piqures, des brulures. Pour cela, il fallait passer par l'imaginaire.
En pratique, voilà ce qui s'est passé :

L'idée était ensuite de les confronter, via des photos sur l'ordinateur, de vrais patients. Il était convenu bien sur que je devais au préalable demander qui était volontaire et qui ne souhaitait pas voir les photos. Certains ont choisi de ne pas regarder.
En pratique, voilà ce qui s'est passé : je leur ai proposé deux photos
L'idée était de leur permettre d'exprimer ce qu'ils avaient ressenti en tout tolérance et transparence.
Les réactions furent assez tranchées : dégoût, peur, rejet, ou empathie ou simple curiosité. Ce fut un moment d'échange très spontané entre eux. Le but n’était surtout pas de les culpabiliser d’avoir chacun une réaction différente, même en cas de rejet.
L'étape suivante était de leur permettre de bien séparer ce qu'ils venaient de ressentir et la façon dont ils allaient se comporter avec leur copain qui aurait de l'eczéma. L'émotion est naturelle, elle s'accueille, mais le comportement vis à vis de l'autre n'a rien à voir, puisque le but est de ne pas blesser.
La meilleure façon de bien faire comprendre la différence entre l'émotion et le comportement était de se mettre à la place de l'autre. Là aussi, je fus étonnée de la richesse de leur discussion... La distance entre l’émotion et le comportement a été perçue globalement par tous surtout à partir du moment où je leur demandais de se mettre à la place de l’individu de la photo, comme quand ils avaient sauté dans le panier qui pique. Insistant bien sur le simple fait qu’il ne fallait pas faire du mal, ils ont accepté de se positionner dans leur choix. A la fin de l’atelier, je leur demandais si je pouvais compter sur eux, pour ne pas dire de méchancetés et tous ont tapé dans la main !

Les enfants, étonnement en tout cas pour moi, connaissent assez bien le mot discrimination, certains en ayant déjà souffert : problème de poids, de couleur de peau ou de dyslexie.
L'éducation à la tolérance était déjà bien intégrée. Aux questions : « est ce que tu ne joues pas avec une fille ou un garçon parce qu’il ne voit pas bien, parce qu’il n’entend pas bien ? » les réponses sont unanimement négatives. Je pouvais donc faire le parallèle avec la discrimination liée à l'eczéma.
Je suis allée trois fois dans cette école. A chaque fois, il y avait trois ateliers de 7 à 8 enfants environ. Qu’en restera-t-il ? Comment protéger les enfants atopiques de ce qui les marquera toute leur vie et qui restera une plaque rouge brûlante au fond de leur construction bien plus vive que la plaque d’eczéma… Il manque bien sur l’évaluation de ce travail mais peut être que ce témoignage pourra donner envie à d’autres de s’engager…
L’eczéma ne se limite pas à la peau : il impacte la vie sociale et scolaire des enfants.
Les moqueries peuvent abîmer durablement l’estime de soi.
La prévention passe aussi par l’éducation à la tolérance dès le plus jeune âge.
Des ateliers en classe permettent aux enfants de comprendre la maladie, d’exprimer leurs émotions et de se mettre à la place de l’autre.
Valoriser la différence, c’est protéger les enfants atopiques… et tous les autres.