un enfant pleure
Les méchancetés abiment l'estime de soi de l'enfant

L'eczéma de l'enfant à l'école : prévenir les méchancetés.

Par Dr Magali Bourrel Bouttaz — dermatologue, membre du GET (groupe d’éducation thérapeutique dans l’eczéma). À propos




1. Pourquoi sensibiliser les enfants à l'école?

Les mots qui font mal

Comme t'es moche, On dirait un singe, Je ne joue pas avec toi, t'es pas belle, Normale que tu sois moche, t'as plein de boutons, Maman m'a dit de ne pas te donner la main

L'enfant a déjà subi chez lui les injonctions " arrête de te gratter " et l'épuisement d'une famille autour des soins, quand l'eczéma ne sert pas d'enjeu de conflit au sein même des générations ou des couples  séparés...mais l'école peut-être le lieu d'une grande cruauté.  Il n'est pas rare que l'enfant se confie au moment où ses parents ont quitté la consultation... isolement, rejet, pleurs...  Comment pénétrer ce milieu en tant que dermatologue et non en tant que parent ? Comment remonter à la source et faire de la prévention de la discrimination de l'eczéma à l'école?


Faire de la prévention via la réserve citoyenne

Après les attentats du Bataclan, un appel à la réserve citoyenne fut lancé par l'éducation nationale. Tout volontaire pouvait s’inscrire et proposer ses services. Service voulant dire arriver à articuler les idées fortes de la République à travers les spécificités de son métier. J’avais donc proposé de parler des discriminations que subissent les enfants atopiques.


photo du village de sainte marie de cuines
Village de Sainte Marie de Cuines, Maurienne, janvier 2018

2.Un atelier scolaire pour "ressentir" l'eczéma

Le cadre

Je fus contactée par une école primaire de Maurienne, proposant des activités le vendredi après midi sous forme d'ateliers, permettant à des enfants d’âge différents du CP au CM2 d'être ensemble. La directrice était intéressée par l'idée de faire une sensibilisation à l'eczéma de l'enfant. Je lui ai bien sûr présenté l'atelier en amont et au moment de l'atelier, j'étais accompagnée d'une maman. L'atelier durait 45 mn et j'ai pu le réaliser 3 fois dans l'après midi. 


Découvrir ce que la peau nous transmet

Présentation :  les enfants se présentaient par leur prénom, et l'animal qu'ils aimeraient être. De mon côté, je présentai rapidement mon métier. 

L'idée était de découvrir la place de la peau dans notre vie : le toucher de l'environnement ( c'est chaud, c'est froid ), la perception de l'autre ( la façon dont il me touche me dit s'il me veut du bien ou pas ) et l'écoute de son propre corps. 

En pratique, voilà ce qui s'est passé : 

  • Je leur mettais un bonnet sur le visage pour les rendre aveugle et il devait reconnaître les objets par le contact dans les mains : le toucher.
  • Je les poussais franchement, ou je leur faisais plutôt un câlin : comprendre l’intentionnalité de l’autre à travers le toucher 
  • Je leur ai donné un stéthoscope pour écouter leur coeur.

Découvrir ce qu'elle transmet en cas d'eczéma

L'idée suivante était de faire comprendre que cette peau pouvait poser problème et déclencher du grattage, des piqures, des brulures. Pour cela, il fallait passer par l'imaginaire.

En pratique, voilà ce qui s'est passé :

  • J'ai demandé aux enfants de dessiner un objet, ou un animal, ou une plante qui pique : ourson, rose, hérisson, abeille, moustique…
  • Ils devaient ensuite mettre tous les dessins dans un panier,
  • Et imaginer de sauter dedans, le but étant qu'ils ressentent eux-mêmes les piqures.

Découvrir des photos de malades

eczema severe visage
Eczéma atopique visage

L'idée était ensuite de les confronter, via des photos sur l'ordinateur, de vrais patients. Il était convenu bien sur que je devais au préalable demander qui était volontaire et qui ne souhaitait pas  voir les photos.  Certains ont choisi de ne pas regarder. 

 

 

 

En pratique, voilà ce qui s'est passé : je leur ai proposé deux photos

  •  l’une d’un mannequin célèbre, de peau noire, affichant un vitiligo : maladie qui décolore la peau,
  • et l’autre le visage d’une petite fille de 5 ans défigurée par l’eczéma.

3. Mettre des mots sur le ressenti

Accueillir la diversité des réactions

L'idée était de leur permettre d'exprimer ce qu'ils avaient ressenti en tout tolérance et transparence.

Les réactions furent assez tranchées : dégoût, peur, rejet, ou empathie ou simple curiosité. Ce fut un moment d'échange très spontané entre eux. Le but n’était surtout pas de les culpabiliser d’avoir chacun une réaction différente, même en cas de rejet. 


Faire la différence entre émotions et comportement

L'étape suivante était de leur permettre de bien séparer ce qu'ils venaient de ressentir et la façon dont ils allaient se comporter avec leur copain qui aurait de l'eczéma. L'émotion est naturelle, elle s'accueille, mais le comportement vis à vis de l'autre n'a rien à voir, puisque le but est de ne pas blesser.


Se mettre à la place de l'autre

La meilleure façon de bien faire comprendre la différence entre l'émotion et le comportement était de se mettre à la place de l'autre. Là aussi, je fus étonnée de la richesse de leur discussion... La distance entre l’émotion et le comportement a été perçue globalement par tous surtout à partir du moment où je leur demandais de se mettre à la place de l’individu de la photo, comme quand ils avaient sauté dans le panier qui pique.  Insistant bien sur le simple fait qu’il ne fallait pas faire du mal, ils ont accepté de se positionner dans leur choix. A la fin de l’atelier, je leur demandais si je pouvais compter sur eux, pour ne pas dire de méchancetés  et tous ont tapé dans la main !


Fin de l'atelier sur le mot "discrimination"

dessins de noel a l ecole de sainte marie de cuines
Décoration de l'école par les enfants pour Noel

Les enfants, étonnement en tout cas pour moi, connaissent assez bien le mot discrimination, certains en ayant déjà souffert : problème de poids, de couleur de peau ou de dyslexie. 

L'éducation à la tolérance était déjà bien intégrée. Aux questions : « est ce que tu ne joues pas avec une fille ou un garçon parce qu’il ne voit pas bien, parce qu’il n’entend pas bien ? » les réponses sont unanimement négatives. Je pouvais donc faire le parallèle avec la discrimination liée à l'eczéma.


4. Bilans et perspectives ?

Quels bilans ?

Je suis allée trois fois dans cette école. A chaque fois, il y avait trois ateliers de 7 à 8 enfants environ.  Qu’en restera-t-il ? Comment protéger les enfants atopiques de ce qui les marquera toute leur vie et qui restera une plaque rouge brûlante au fond de leur construction bien plus vive que la plaque d’eczéma… Il manque bien sur l’évaluation de ce travail mais peut être que ce témoignage pourra donner envie à d’autres de s’engager… 

photo de sainte marie de cuines
Sainte Marie de Cuines

5. A retenir

un bonhomme accroche a un coeur rouge

  • L’eczéma ne se limite pas à la peau : il impacte la vie sociale et scolaire des enfants.

  • Les moqueries peuvent abîmer durablement l’estime de soi.

  • La prévention passe aussi par l’éducation à la tolérance dès le plus jeune âge.

  • Des ateliers en classe permettent aux enfants de comprendre la maladie, d’exprimer leurs émotions et de se mettre à la place de l’autre.

  • Valoriser la différence, c’est protéger les enfants atopiques… et tous les autres.



6. N'oubliez pas  les outils pédagogiques

📚 Nos histoires et outils ludiques pour les enfants

  • 👉 Petit Tube mène l’enquête
    Un petit tube de cortisone, mal-aimé, mène l’enquête pour comprendre pourquoi il fait si peur. Une histoire qui parle de corticophobie avec humour et pédagogie.

  • 👉 Les aventures de Petite Plaque
    Un personnage attachant vit des aventures pleines de rebondissements, qui mettent en mots le quotidien des enfants atteints d’eczéma.

  • 👉 Le conte
    Une fable magique pour expliquer l’eczéma aux plus jeunes et dédramatiser les plaques rouges.